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mardi 11 octobre 2011

Le Jasmin Etoilé



Trois mois, depuis l'arrivée de François dans l'île, temps passé à appréhender les lieux dans la chaleur étouffante et sèche. L'ennui le gagnait peu à peu. Au début il éprouva du soulagement à ne rien faire de son temps, il mettait cela sur le compte du changement après la vie mouvementée qu'il avait menée aux Caraïbes.
Le silence des journées passées dans le jardin inondé de blanc, blanc des murs badigeonnés à la chaux, blancs des fleurs de jasmin serpentant sur les façades, c'était comme une chambre d'hôpital pour soigner ses blessures de l'âme.
Malgré sa solitude il évitait de penser au passé, à cette boule qu'il avait là dans la poitrine, il la sentait présente et prête à éclater. Il déambulait du salon au bout du jardin empruntant les coins d'ombres tel un cafard dérangé par une présence.
Il le savait elle était là, pas loin, prête à ressurgir, à le bruler, à le détruire. Quand il sentait qu'il allait défaillir, succomber à son souvenir il s'affalait sur le divan, la clim à fond et il tombait dans un sommeil comateux, un sommeil d'oubli bienfaiteur.

Au réveil, il ressentait la soif, une soif plus forte que celle qu'il avait connue là bas, il se levait s'aspergeait d'eau se coiffait d'une casquette et sortait, fuyant la maison, fragile.
De suite, dès le seuil de la porte il était englouti par la lumière, elle écrasait tout dans les rues, ondulant en vagues de chaleur. La rue dévorait l'espace, comme une plaie saignante entre les édifices écrasés par le bleu de la mer qui noyait l'horizon. Il marchait au hasard entre les maisons maures, dépassant les portes ouvragées, les balcons de fer forgé. Un monde de bleu et de blanc, vide d'habitants aux heures chaudes du jour.
Il errait plutôt, jusqu'à en avoir mal, marre des couleurs agressives et des odeurs piquantes.


Les vibrations de l'asphalte brulant remontaient de la chaussée brouillant la vue de François, partout pierres et fer se mêlaient en des formes mouvantes, la rue ressemblait à un grill immense. Il sentait la sueur dégouliner dans son dos le long de sa colonne vertébrale, ses tempes ruisselaient, c'est alors qu'il le vit. Subjugué il resta cloué au milieu de la rue face au monstre de fer, le bolide venait de tourner à l'angle de la rue Ben Ameur. Il le regardait fasciné se glisser dans le mirage de la rue, se scinder en plaques de couleurs dans ce kaléidoscope géant que n'aurait pas renié un peintre cubiste. Son rouge ensanglantait l'espace, il percevait distinctement le bruit du moteur; un bruit monstrueux qui se fracassait contre les façades et les bleus des maisons. La voiture lui venait dessus sans freiner et lui cloué au sol la regardait comme un torero au centre de l'arène regarde venir le taureau, à la différence que lui ne tenterait pas l'esquive. Il était fasciné par la bestialité de l'engin, sa puissance et son bruit.
Il entendit distinctement l'auto radio de la Porsche qui diffusait une musique arabe, il avait déjà entendu cet air, ce fut la dernière pensée qu'il eût avant que le véhicule le percute.

----A SUIVRE------

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