A quelques mètres de la Place de San
Francisco on peut voir la vitrine glamour d’une boutique Via Uno. Des
chaussures en peau à talons aiguille, un peu inutiles sur les trottoirs
irréguliers de la Havane. Des sacs à main avec des plis et des
passements dorés, qui semblent pouvoir contenir le monde entier, et où
pourrait entrer toute la ville. Les curieux s’arrêtent devant la vitrine
et quelques femmes entrent pour voir de près, même si rares sont celles
qui ressortent en ayant acheté quelque chose. Il y a l’adolescente qui
aura bientôt quinze ans et insiste pour que sa mère débourse ses
économies pour des bottines rouge. Il y a aussi l’employée d’une
nouvelle société, bouche ouverte et sourcils dressés devant les prix qui
peuvent atteindre trois chiffres. De l’autre côté de la rue, juste en
face de la porte de la boutique, une vieille femme tend la main pour
demander de l’argent.
Comme sur une photo surexposée, les
contrastes sociaux se perçoivent chaque jour avec plus de force dans la
vie à Cuba. Alors que beaucoup se lèvent le matin avec la question
angoissante « Qu’est-ce que je vais manger aujourd’hui ? », une nouvelle
classe –monnaie convertible en poche- se targue de consommer les
articles des boutiques exclusives. Des gens qui grâce à la corruption,
aux commerces privés, aux mandats de l’étranger, ou aux privilèges
gouvernementaux accèdent à des vêtements plus chers, des aliments
meilleurs, des marchandises qui ne sont pas à la portée de la grande
majorité. Dans les zones touristiques ces clairs-obscurs ressortent avec
une plus grande netteté. C’est là que la grande disparité de niveaux à
Cuba est la plus visible, la plus pénible. C’est là qu’est mis à mal le
concept « d’égalité » que l’on entend encore dans de nombreux slogans,
et qui habite comme un mirage l’esprit de tellement de gens hors de nos
frontières.
Dans la clarté d’une enseigne lumineuse
aux lettres finement découpées, un homme vend des cornets de
cacahouètes. On ne perçoit pas ce qu’il crie de cette boutique
climatisée, encore moins de la cabine d’essayage où une cliente fait
glisser la fermeture d’une robe de luxe.
Traduit par Jean-Claude Marouby
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