Par Boris Leonardo Caro
Perchée en haut des montagnes rebelles face aux eaux turbulentes de la mer des Caraïbes à plus de 800 kilomètres de La Havane, Santiago de Cuba va bientôt fêter son 500ème anniversaire. C’est l’occasion de se remémorer son histoire parsemée de guerres et de révoltes mais aussi la singularité de ses habitants, joyeusement festifs et fréquemment incompris par le reste de la population cubaine.
Cette ville, surnommée « ciudad heroína » (ville héroïne), tente de survivre à l’abandon dû à son éloignement des centres économiques émergents du centre et de l’est de l’Île. Les plus jeunes partent souvent vers la capitale pour faire fortune comme policiers, constructeurs ou contrebandiers. Mais aucun n’oublie ses racines de santiaguero comme si cette « terre chaude » les avait marqués au fer de son caractère singulier.
La ville de Santiago de Cuba a été fondée en 1514 par le conquérant espagnol Diego Velázquez. Sa demeure est précieusement conservée dans le cœur de la ville à coté du parc Céspedes. Huit années après sa naissance, Santiago a été définie comme capitale de l’Île. Elle le resta une trentaine d’années avant que l’administration cubaine soit transférée à La Havane.
Ce changement a bouleversé la destiné de Santiago de Cuba. Le régionalisme cubain s’est vu exacerbé dans une rivalité croissante entre les santiagueros et les havanais. Cette confrontation a conduit au développement de multiples préjugés et malentendus. Les habitants de La Havane considèrent leurs voisins orientaux comme des « oisifs buveurs » alors que ces derniers trouvent les havanais « indolents et hautains ».
Toutefois, l’ironie de l’Histoire s’est chargée de réconcilier les deux camps : l’havanais José Martí a été enterré dans le cimetière Santa Ifigenia à Santiago de Cuba alors que le général santiaguero Antonio Maceo a été inhumé à San Pedro, dans les alentours de La Havane.
Au-delà des clichés, la population de Santiago a régulièrement été frappée par des catastrophes naturelles et humaines. C’est dans son port que sont arrivés les trois cent premiers esclaves africains apportés à Cuba comme main d’œuvre pour remplacer la communauté aborigène décimée. Quatre siècles plus tard, cette même baie a été témoin de la débâcle de l’armada espagnole commandée par l’amiral Pascual Cervera. Enfin, le 1er janvier 1959, c’est au balcon de la mairie de Santiago que Fidel Castro prononça son premier discours en tant que leader de la Révolution cubaine.L'esclavage, la fin de l’Empire espagnol, la révolution : Santiago de Cuba a toujours été un acteur majeur dans l’histoire de la nation cubaine.
Les malheurs sont venus autant de la mer que de la terre. En 1554, le pirate français Jacques de Sores a ravagé la ville, une année avant de piller San Cristóbal de La Habana. En 1662, une escadre anglaise s’est à nouveau appropriée la place en la réduisant en cendres après un mois d’occupation. Et comme si tant de mésaventures ne suffisait pas, un séisme a causé d’énormes dommages et détruisit la cathédrale en 1675. Les habitants pensèrent que le diable lui-même avait projeté ce tremblement de terre.
Il y a plusieurs façons de reconnaître un santiaguero : par son accent « chanté », par son phénotype particulier : mélange d’Indien, de Noir, de Blanc comme dans les provinces de Guantánamo et de Granma ou encore par les noms de famille typiquement français espagnolisés.
Santiago de Cuba a reçu une forte vague d’immigrants franco-haïtiens à la fin du XVIIIème siècle. Ces colons et ces esclaves fuyaient la révolution en marche dans la colonie de Saint-Domingue. Bien que leurs premiers contacts avec les Caraïbes fussent motivés par l’instinct de survie, les immigrants se sont rapidement convertis aux coutumes locales et se sont intégrés à la vie économique et sociale de la ville.
Les Français ont apporté leurs connaissances sur la culture du café. Ils ont développé de multiples plantations dans les montagnes tout autour de la ville. On conserve encore quelques ruines de cette période prospère commela plantation de café La Isabelica. Cet afflux de population a permis le développement de nouveaux théâtres, magasins et institutions civiles dans la ville. Cet essor commercial a rendu propice l’arrivée des techniques de distillations d’eau-de-vie pratiquées dans d’autres Îles des Caraïbes telles que la Jamaïque, pionnière dans l’industrie du rhum. Santiago de Cuba est devenue le berceau du célèbre rhum Bacardi.
Quant aux esclaves haïtiens, ils ont apporté un riche patrimoine religieux surtout vaudou. Alors que dans la partie occidentale de l’Île prédominaient les pratiques religieuses des peuples yorubas (la santería), l’héritage congo ou bantou prévalait dans la partie orientale.
Enfin, certains musicologues pensent que le danzón, danse nationale cubaine, trouverait son origine dans des danses anciennes importées par des français fuyant la révolution haïtienne.
Santiago de Cuba souffre aujourd’hui des mêmes problèmes que la majorité des villes cubaines. Le patrimoine architectural se détériore, les logements se font de plus en plus rares et l’approvisionnement en eau est devenu tellement rare que Raúl Castro s’est engagé à résoudre ce problème rapidement.
La ville historique où la révolution castriste a débuté, subit aujourd’hui les méfaits de la crise économique sans pouvoir profiter du tourisme sur l’Île. Santiago n’a en effet pas de plages spectaculaires, un centre historique moins bien conservé que celui de La Havane ou de Trinidad et des infrastructures déficientes. L’attrait principal de la plus caribéenne des villes cubaines passe avant tout par son incomparable patrimoine musical. On raconte que c’est ici que sont nés le boléro et la trova avant de conquérir le monde entier.
« L’hospitalière », « l’héroïque », « l’indomptable » Santiago de Cuba a encore l’image d’une métropole rebelle, capable de faire basculer la carrière politique de n’importe quel fonctionnaire et de défier les appels gouvernementaux sur la discipline et le travail. Certains havanais m’ont confessé que se promener dans ses rues est comme voyager dans un autre pays. Les différences paraissent profondes, captivantes mais toujours intenses et authentiques.
Perchée en haut des montagnes rebelles face aux eaux turbulentes de la mer des Caraïbes à plus de 800 kilomètres de La Havane, Santiago de Cuba va bientôt fêter son 500ème anniversaire. C’est l’occasion de se remémorer son histoire parsemée de guerres et de révoltes mais aussi la singularité de ses habitants, joyeusement festifs et fréquemment incompris par le reste de la population cubaine.
Cette ville, surnommée « ciudad heroína » (ville héroïne), tente de survivre à l’abandon dû à son éloignement des centres économiques émergents du centre et de l’est de l’Île. Les plus jeunes partent souvent vers la capitale pour faire fortune comme policiers, constructeurs ou contrebandiers. Mais aucun n’oublie ses racines de santiaguero comme si cette « terre chaude » les avait marqués au fer de son caractère singulier.
Esclaves, pirates et révolutions
La ville de Santiago de Cuba a été fondée en 1514 par le conquérant espagnol Diego Velázquez. Sa demeure est précieusement conservée dans le cœur de la ville à coté du parc Céspedes. Huit années après sa naissance, Santiago a été définie comme capitale de l’Île. Elle le resta une trentaine d’années avant que l’administration cubaine soit transférée à La Havane.
Ce changement a bouleversé la destiné de Santiago de Cuba. Le régionalisme cubain s’est vu exacerbé dans une rivalité croissante entre les santiagueros et les havanais. Cette confrontation a conduit au développement de multiples préjugés et malentendus. Les habitants de La Havane considèrent leurs voisins orientaux comme des « oisifs buveurs » alors que ces derniers trouvent les havanais « indolents et hautains ».
Toutefois, l’ironie de l’Histoire s’est chargée de réconcilier les deux camps : l’havanais José Martí a été enterré dans le cimetière Santa Ifigenia à Santiago de Cuba alors que le général santiaguero Antonio Maceo a été inhumé à San Pedro, dans les alentours de La Havane.
Au-delà des clichés, la population de Santiago a régulièrement été frappée par des catastrophes naturelles et humaines. C’est dans son port que sont arrivés les trois cent premiers esclaves africains apportés à Cuba comme main d’œuvre pour remplacer la communauté aborigène décimée. Quatre siècles plus tard, cette même baie a été témoin de la débâcle de l’armada espagnole commandée par l’amiral Pascual Cervera. Enfin, le 1er janvier 1959, c’est au balcon de la mairie de Santiago que Fidel Castro prononça son premier discours en tant que leader de la Révolution cubaine.L'esclavage, la fin de l’Empire espagnol, la révolution : Santiago de Cuba a toujours été un acteur majeur dans l’histoire de la nation cubaine.
Les malheurs sont venus autant de la mer que de la terre. En 1554, le pirate français Jacques de Sores a ravagé la ville, une année avant de piller San Cristóbal de La Habana. En 1662, une escadre anglaise s’est à nouveau appropriée la place en la réduisant en cendres après un mois d’occupation. Et comme si tant de mésaventures ne suffisait pas, un séisme a causé d’énormes dommages et détruisit la cathédrale en 1675. Les habitants pensèrent que le diable lui-même avait projeté ce tremblement de terre.
L'héritage français
Il y a plusieurs façons de reconnaître un santiaguero : par son accent « chanté », par son phénotype particulier : mélange d’Indien, de Noir, de Blanc comme dans les provinces de Guantánamo et de Granma ou encore par les noms de famille typiquement français espagnolisés.
Santiago de Cuba a reçu une forte vague d’immigrants franco-haïtiens à la fin du XVIIIème siècle. Ces colons et ces esclaves fuyaient la révolution en marche dans la colonie de Saint-Domingue. Bien que leurs premiers contacts avec les Caraïbes fussent motivés par l’instinct de survie, les immigrants se sont rapidement convertis aux coutumes locales et se sont intégrés à la vie économique et sociale de la ville.
Les Français ont apporté leurs connaissances sur la culture du café. Ils ont développé de multiples plantations dans les montagnes tout autour de la ville. On conserve encore quelques ruines de cette période prospère commela plantation de café La Isabelica. Cet afflux de population a permis le développement de nouveaux théâtres, magasins et institutions civiles dans la ville. Cet essor commercial a rendu propice l’arrivée des techniques de distillations d’eau-de-vie pratiquées dans d’autres Îles des Caraïbes telles que la Jamaïque, pionnière dans l’industrie du rhum. Santiago de Cuba est devenue le berceau du célèbre rhum Bacardi.
Quant aux esclaves haïtiens, ils ont apporté un riche patrimoine religieux surtout vaudou. Alors que dans la partie occidentale de l’Île prédominaient les pratiques religieuses des peuples yorubas (la santería), l’héritage congo ou bantou prévalait dans la partie orientale.
Enfin, certains musicologues pensent que le danzón, danse nationale cubaine, trouverait son origine dans des danses anciennes importées par des français fuyant la révolution haïtienne.
Santiago au XXIème siècle
Santiago de Cuba souffre aujourd’hui des mêmes problèmes que la majorité des villes cubaines. Le patrimoine architectural se détériore, les logements se font de plus en plus rares et l’approvisionnement en eau est devenu tellement rare que Raúl Castro s’est engagé à résoudre ce problème rapidement.
La ville historique où la révolution castriste a débuté, subit aujourd’hui les méfaits de la crise économique sans pouvoir profiter du tourisme sur l’Île. Santiago n’a en effet pas de plages spectaculaires, un centre historique moins bien conservé que celui de La Havane ou de Trinidad et des infrastructures déficientes. L’attrait principal de la plus caribéenne des villes cubaines passe avant tout par son incomparable patrimoine musical. On raconte que c’est ici que sont nés le boléro et la trova avant de conquérir le monde entier.
« L’hospitalière », « l’héroïque », « l’indomptable » Santiago de Cuba a encore l’image d’une métropole rebelle, capable de faire basculer la carrière politique de n’importe quel fonctionnaire et de défier les appels gouvernementaux sur la discipline et le travail. Certains havanais m’ont confessé que se promener dans ses rues est comme voyager dans un autre pays. Les différences paraissent profondes, captivantes mais toujours intenses et authentiques.
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