Enfants cubains chantant à l’école le matin : “Nous sommes les pionniers
du communisme, nous serons comme le Che” – REUTERS/Desmond Boylan
(Image et légende de l’image tirées de http://www.noticias24.com)
La semaine dernière, j’ai rencontré en
ville un ami italien qui vit à Cuba depuis presque dix ans. Je lui ai
demandé comment allaient ses enfants, deux adolescents nés à Milan mais
qui grandissent aujourd’hui à la Havane. “Je les ai mis à l’école
française” m’a-t-il dit tout sourire. Dans un premier temps je n’ai pas
compris pourquoi il avait opté pour cet enseignement francophone, mais
c’est lui qui me l’a expliqué. “Tu voudrais quoi? Que je les envoie à
l’école publique? L’éducation est tellement mauvaise ici!” En creusant
un peu plus, j’ai su qu’ils avaient pour camarades de classe des fils de
diplomates, de correspondants étrangers et de figures du monde culturel
cubain qui se sont mariées avec un immigrant. Pour la somme de 5220 CUC
(5800 USD / 4430 Euros) par an, chaque rejeton de mon fier Milanais est
bien instruit, bien encadré.
Après cette rencontre, j’ai d’abord
pensé que mon ami exagérait mais j’ai immédiatement questionné ma propre
expérience de mère d’élève. J’ai pris conscience de la quantité de
serpillières, de flacons de détergent et de balais que nous avons donnés
-au fil des ans- pour faire en sorte que les couloirs et les toilettes
du collège soient au moins présentables. Dans cette liste, on trouve
aussi le cadenas pour la porte de la salle de classe que nous avons
remplacé plusieurs fois et le ventilateur acheté collectivement par les
parents parce que la chaleur étouffante empêchait nos enfants de
maintenir leur niveau d’attention. Je n’ai pas non plus oublié le nombre
infini de fois où nous avons imprimé les examens parce qu’il n’y avait à
l’école ni papier, ni encre, ni imprimante en état de marche. Le
déjeuner que nous avons offert aux professeurs tant de fois parce que le
repas de la cantine était tout bonnement imprésentable. J’ai passé en
revue les fiches bristol, les tubes de colle, la peinture et les papiers
de couleur que nous avons également donnés pour la fresque sur laquelle
on collerait ensuite une image de Fidel Castro souriant et magnanime.
Malgré tout, j’ai décidé de ne pas m’en
tenir au coût matériel élevé de ces années scolaires et j’ai continué à
convoquer des souvenirs. J’ai récapitulé ces moments où ont été donnés
ce qu’on appelait les télé-cours qui ont conduit à assurer jusqu’à 60%
des heures d’enseignement par le biais d’un téléviseur. Les admirables
institutrices et instituteurs qui ont décidé de rentrer chez eux pour se
faire les ongles, vendre du café ou se reconvertir dans le secteur
touristique parce que le mélange de haute responsabilité et de bas
salaire leur semblait insupportable. Et j’ai aussi pris une minute pour
penser aux rares professeurs de primaire et du secondaire qui sont
restés à leur poste en dépit de tout cela. J’ai énuméré une à une toutes
les atrocités dites à tant d’adolescents par les professeurs émergents
(on devrait les appeler professeurs instantanés): par exemple que si le
drapeau cubain a une étoile à cinq branches c’est en l’honneur des cinq
agents du Ministère de l’Intérieur emprisonnés dans les prisons
nord-américaines ou bien que la Nouvelle-Zélande se trouve dans la mer
Caraïbe. J’ai aussi repensé à cette après-midi où une maîtresse a
annoncé face à notre enfant que tout près de là on réalisait un acte de
répudiation contre des “dangereux contre-révolutionnaires” et que le
petit Téo a dû encaisser parce qu’il savait que sa mère et son père
comptaient parmi les victimes de ce harcèlement. Les images
des innombrables fois où une assistante aux vêtements moulants et le
nombril à l’air ou un professeur avec dent en or et aigle sur son pull
ont critiqué les cheveux longs d’élèves qu’ils n’ont pas laissé entrer
en cours ont défilé devant mes yeux.
Les consignes répétées jusqu’à
épuisement, les rituels du matin interminables et routiniers, le culte
voué à la personnalité de ceux qui sont dépeints dans les livres
d’histoire comme des sauveurs et dans les livres de science comme des
scientifiques, tout cela n’a pas manqué d’apparaître dans ma cathartique
évocation de l’après-midi. Au terme de ma réflexion, tout cela m’a fait
comprendre les raisons pour lesquelles mon ami italien préfère la
“petite école française” de la Havane. Mais j’ai aussi su que ses
enfants grandiraient avec une idée bien différente de ce qu’est
l’éducation dans cette Île. Ils croiront que les locaux lumineux et bien
aménagés où ils reçoivent chacun de leur cours, le déjeuner équilibré,
la prof soigneuse et les fournitures scolaires de qualité, sont des
caractéristiques inhérentes à notre système éducatif. Je m’attends même à
ce qu’un de ces jours -de retour en Europe- ils participent à une
manifestation pour réclamer un enseignement public qui ressemble au
nôtre, pour que leurs enfants puissent jouir de ce qu’eux auront “connu”
à Cuba.
Traduction M. Kabous
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Ainsi en lisant cet article d'une dissidente cubaine, je m'interroge sur le chant des sirènes d'une certaine gauche révolutionnaire qui désirerait nous amener vers ce qu'ils citent comme un exemple : l'éducation et la santé à la cubaine, qui sont en fait de vrais catastrophes...
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Ainsi en lisant cet article d'une dissidente cubaine, je m'interroge sur le chant des sirènes d'une certaine gauche révolutionnaire qui désirerait nous amener vers ce qu'ils citent comme un exemple : l'éducation et la santé à la cubaine, qui sont en fait de vrais catastrophes...
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