Par Boris Leonardo Caro
C'était l'automne 1962 et La Havane s’enfonçait dans une surenchère nucléaire sans fin. Ce fut pourtant une période glorieuse pour les amoureux des Harley Davidson.
Même si cela paraît insensé, des dizaines de ces motos américaines ont été sauvées de la ferraille grâce à la Guerre Froide. Quand Fidel Castro s’est allié à l’Union Soviétique, les États-Unis ont voté un blocus économique (qui subsiste encore aujourd’hui). Les motards ont dû alors faire preuve de malice.
La vie cubaine des Harley Davidson
Les premières Harley Davidson sont arrivées à Cuba en 1917, pendant la Première Guerre Mondiale. Déjà connues par les Cubains, elles ont été importées dans l’Île par les frères Harris, propriétaires d’un magasin existant encore aujourd’hui situé à côté de l’immeuble Bacardi, à La Havane. Bien qu'ils aient organisé des courses et des exhibitions pour stimuler le marché, la puissance des motos concurrentes anglaises les a obligés à abandonner l'affaire.
C’est un habitant de Santiago de Cuba, José Luis Bretos, qui a sauvé la Harley Davidson de la disparition des routes cubaines. Bretos a en effet obtenu rapidement un contrat avec la police de La Havane, étendu plus tard au reste de la police nationale grâce à l’aide du président Gerardo Machado dans les années vingt. C’est ainsi que les Harley Davidson sont devenues les motos officielles des forces de l'ordre public.
Dans la première moitié du XXème siècle, ces motos n’ont pas seulement été utilisées par les policiers. La première motarde cubaine, la vedette María de Los Àngeles Santana, a remonté le Malecón au guidon d’une Harley Davidson dans les années quarante, au grand dam de la société havanaise.
Néanmoins, tout a changé au moment de la révolution cubaine de 1959. Quand Fidel Castro décida d’installer des missiles nucléaires soviétiques à Cuba, les Américains répondirent en instaurant un féroce blocus économique. Même si les missiles ont été retirés par Moscou quelques temps plus tard, Washington n’est pas revenu sur sa position. Depuis quarante ans, quasiment aucun produit Made in U.S.A n’est entré à La Havane.
Cuba s’est tourné alors vers les productions de l’Europe de l’Est. C’est ainsi que sont arrivés des tracteurs de Biélorussie, des omnibus hongrois… et des motos tchèques et russes. Le pays a été inondé d’équipements provenant des frères socialistes. En échange de sucre et d’une loyauté sans faille, le Kremlin envoyait en masse du combustible sur l’Île.
Tout semblait utile pour réparer les Harley ou ses rivales britanniques (Norton, Triumph et BSA) : les roues des voitures tchécoslovaque Skoda, les cadres des motos russes Oural… Sans problème, les pièces fabriquées par les ennemis communistes et occidentaux s’emboitaient sur les motos comme si la guerre froide était terminée grâce au talent d’une poignée de mécaniciens.
Certains Cubains étaient reconnus dans toute l’Île pour leur capacité en mécanique comme José Lorenzo, connu sous le surnom de Pepe Milésima. Cet homme, qui a étudié la mécanique aux États-Unis, était connu pour la rigueur de ses réparations et sa disposition à transmettre son savoir-faire aux jeunes.
À sa mort, en juin 1990, ses amis « harleytistes » ont renommé le jour de la fête des pères comme le jour « du motocycliste absent ». Chaque année une caravane de motards rend hommage au père du motocyclisme à Cuba dans le cimetière de Colón.
Au-delà des mythes, Cuba s'est convertie en un musée vivant des motos de collection. Des dizaines de ces engins roulent encore dans les rues de La Havane, sauvés par une poignée de fidèles « riders ». Les gens ne regardent plus avec méfiance leurs extravagants blousons de cuir et leurs étranges symboles importés des motards américains. Les autorités les convoquent même de temps en temps pour des démonstrations publiques.
Ni l’« American way of life » ni le « Russian way of life » n’anime ces amoureux des deux-roues. Ils se contentent d’un « Cuban way of life », dans lequel l'imagination et la résistance sont le combustible de leur vie quotidienne.
C'était l'automne 1962 et La Havane s’enfonçait dans une surenchère nucléaire sans fin. Ce fut pourtant une période glorieuse pour les amoureux des Harley Davidson.
Même si cela paraît insensé, des dizaines de ces motos américaines ont été sauvées de la ferraille grâce à la Guerre Froide. Quand Fidel Castro s’est allié à l’Union Soviétique, les États-Unis ont voté un blocus économique (qui subsiste encore aujourd’hui). Les motards ont dû alors faire preuve de malice.
La vie cubaine des Harley Davidson
Les premières Harley Davidson sont arrivées à Cuba en 1917, pendant la Première Guerre Mondiale. Déjà connues par les Cubains, elles ont été importées dans l’Île par les frères Harris, propriétaires d’un magasin existant encore aujourd’hui situé à côté de l’immeuble Bacardi, à La Havane. Bien qu'ils aient organisé des courses et des exhibitions pour stimuler le marché, la puissance des motos concurrentes anglaises les a obligés à abandonner l'affaire.
C’est un habitant de Santiago de Cuba, José Luis Bretos, qui a sauvé la Harley Davidson de la disparition des routes cubaines. Bretos a en effet obtenu rapidement un contrat avec la police de La Havane, étendu plus tard au reste de la police nationale grâce à l’aide du président Gerardo Machado dans les années vingt. C’est ainsi que les Harley Davidson sont devenues les motos officielles des forces de l'ordre public.
Dans la première moitié du XXème siècle, ces motos n’ont pas seulement été utilisées par les policiers. La première motarde cubaine, la vedette María de Los Àngeles Santana, a remonté le Malecón au guidon d’une Harley Davidson dans les années quarante, au grand dam de la société havanaise.
Néanmoins, tout a changé au moment de la révolution cubaine de 1959. Quand Fidel Castro décida d’installer des missiles nucléaires soviétiques à Cuba, les Américains répondirent en instaurant un féroce blocus économique. Même si les missiles ont été retirés par Moscou quelques temps plus tard, Washington n’est pas revenu sur sa position. Depuis quarante ans, quasiment aucun produit Made in U.S.A n’est entré à La Havane.
Cuba s’est tourné alors vers les productions de l’Europe de l’Est. C’est ainsi que sont arrivés des tracteurs de Biélorussie, des omnibus hongrois… et des motos tchèques et russes. Le pays a été inondé d’équipements provenant des frères socialistes. En échange de sucre et d’une loyauté sans faille, le Kremlin envoyait en masse du combustible sur l’Île.
Des moteurs américains, des pièces soviétiques
Et qu’ont fait les Cubains amoureux des Harley Davidson ? Dans les années 70, quand ils ont compris que Cuba resterait encore longtemps en crise, ils ont commencé à récupérer les vieilles machines pour en reconstruire de nouvelles.Tout semblait utile pour réparer les Harley ou ses rivales britanniques (Norton, Triumph et BSA) : les roues des voitures tchécoslovaque Skoda, les cadres des motos russes Oural… Sans problème, les pièces fabriquées par les ennemis communistes et occidentaux s’emboitaient sur les motos comme si la guerre froide était terminée grâce au talent d’une poignée de mécaniciens.
Certains Cubains étaient reconnus dans toute l’Île pour leur capacité en mécanique comme José Lorenzo, connu sous le surnom de Pepe Milésima. Cet homme, qui a étudié la mécanique aux États-Unis, était connu pour la rigueur de ses réparations et sa disposition à transmettre son savoir-faire aux jeunes.
À sa mort, en juin 1990, ses amis « harleytistes » ont renommé le jour de la fête des pères comme le jour « du motocycliste absent ». Chaque année une caravane de motards rend hommage au père du motocyclisme à Cuba dans le cimetière de Colón.
Le mythe et la réalité de la conservation
Une légende populaire chez les motards cubains raconte qu'une centaine d’Harley Davidson aurait été enterrée après la chute du dictateur Fulgencio Batista en 1959. Comme les Croisés cherchant le Saint-Graal, plusieurs motards cherchent inlassablement ce « trésor » depuis plusieurs années.Au-delà des mythes, Cuba s'est convertie en un musée vivant des motos de collection. Des dizaines de ces engins roulent encore dans les rues de La Havane, sauvés par une poignée de fidèles « riders ». Les gens ne regardent plus avec méfiance leurs extravagants blousons de cuir et leurs étranges symboles importés des motards américains. Les autorités les convoquent même de temps en temps pour des démonstrations publiques.
Ni l’« American way of life » ni le « Russian way of life » n’anime ces amoureux des deux-roues. Ils se contentent d’un « Cuban way of life », dans lequel l'imagination et la résistance sont le combustible de leur vie quotidienne.
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