Sylvain Tesson retrace l'itinéraire des évadés de Sibérie pour rendre hommage à tous ceux qui cherchent la liberté.
«Il y a cinquante ans, quelques hommes innocents, condamnés à une vie de détention, ont refusé le destin d'esclaves que leur promettait Staline et se sont évadés. Ils préféraient les dangers de la traque à l'indignité du servage. Pour recouvrer la liberté, ils n'avaient d'autre choix que de faire route vers le sud. Sans vivres, sans cartes, sans assistance, ils devaient franchir à pied les taïgas, les steppes mongoles, le désert de Gobi, le Tibet, l'Himalaya, les jungles du Bengale. 6000 kilomètres d'étendues hostiles.
Le plus sublime itinéraire qui puisse se concevoir pour un géographe, le plus cauchemardesque qui puisse se présenter devant les pas d'un voyageur. Mais tous avançaient, aimantés par le plus beau des motifs de voyage : la reconquête de la liberté.
Je suis donc parti retracer leur itinéraire pas à pas. Huit mois, de la Sibérie au golfe du Bengale. C'est cet itinéraire qui relie le septentrion aux zones subtropicales que j'ai nommé l'axe du loup car, en ces parages, seuls se pressent les pillards, les évadés, les pauvres hères en rupture de banc. Par définition les chemins de la liberté sont des chemins de traverse, des sentiers jamais battus, des routes de rupture...
J'ai traversé la Mongolie sur un cheval que j'ai nommé Slavomir. Je l'ai acheté à un pasteur mormon intégriste qui ne souffrait plus que sa monture pâturât hérétiquement les bosquets de cannabis sauvage qui poussent sur les bords de la rivière Selenga ! J'ai fendu avec lui les steppes de Mongolie, j'ai peiné à travers le désert de Gobi, j'ai traversé à vélo les plateaux arides du Tibet que peuplent les moines tibétains et les flics chinois, j'ai passé l'Himalaya à pied en plein hiver à l'heure où yacks et nomades sont déjà redescendus puis j'ai renoué avec le foisonnement de la vie dans les jungles du Sikkim et suis arrivé à Calcutta au bout de mes joies, à bout et en peine. J'ai connu tout ce qu'on va chercher de plein gré en se lançant dans pareilles aventures : le froid, la faim, la solitude extrême. Chaque kilomètre m'a coûté, mais la splendeur de la haute Asie a récompensé mes efforts.
C'est la double histoire des évadés et de ma propre aventure vécue en leur hommage que j'ai écrite dans «L'Axe du Loup». Et parce que selon les mots d'une ancienne déportée, «en Russie, à présent, on a le droit de se souvenir, mais pas encore le devoir de mémoire...»».
«Il y a cinquante ans, quelques hommes innocents, condamnés à une vie de détention, ont refusé le destin d'esclaves que leur promettait Staline et se sont évadés. Ils préféraient les dangers de la traque à l'indignité du servage. Pour recouvrer la liberté, ils n'avaient d'autre choix que de faire route vers le sud. Sans vivres, sans cartes, sans assistance, ils devaient franchir à pied les taïgas, les steppes mongoles, le désert de Gobi, le Tibet, l'Himalaya, les jungles du Bengale. 6000 kilomètres d'étendues hostiles.
Le plus sublime itinéraire qui puisse se concevoir pour un géographe, le plus cauchemardesque qui puisse se présenter devant les pas d'un voyageur. Mais tous avançaient, aimantés par le plus beau des motifs de voyage : la reconquête de la liberté.
Je suis donc parti retracer leur itinéraire pas à pas. Huit mois, de la Sibérie au golfe du Bengale. C'est cet itinéraire qui relie le septentrion aux zones subtropicales que j'ai nommé l'axe du loup car, en ces parages, seuls se pressent les pillards, les évadés, les pauvres hères en rupture de banc. Par définition les chemins de la liberté sont des chemins de traverse, des sentiers jamais battus, des routes de rupture...
J'ai traversé la Mongolie sur un cheval que j'ai nommé Slavomir. Je l'ai acheté à un pasteur mormon intégriste qui ne souffrait plus que sa monture pâturât hérétiquement les bosquets de cannabis sauvage qui poussent sur les bords de la rivière Selenga ! J'ai fendu avec lui les steppes de Mongolie, j'ai peiné à travers le désert de Gobi, j'ai traversé à vélo les plateaux arides du Tibet que peuplent les moines tibétains et les flics chinois, j'ai passé l'Himalaya à pied en plein hiver à l'heure où yacks et nomades sont déjà redescendus puis j'ai renoué avec le foisonnement de la vie dans les jungles du Sikkim et suis arrivé à Calcutta au bout de mes joies, à bout et en peine. J'ai connu tout ce qu'on va chercher de plein gré en se lançant dans pareilles aventures : le froid, la faim, la solitude extrême. Chaque kilomètre m'a coûté, mais la splendeur de la haute Asie a récompensé mes efforts.
C'est la double histoire des évadés et de ma propre aventure vécue en leur hommage que j'ai écrite dans «L'Axe du Loup». Et parce que selon les mots d'une ancienne déportée, «en Russie, à présent, on a le droit de se souvenir, mais pas encore le devoir de mémoire...»».
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