Une odeur de melon. Minuit sonnait quand j'arrêtai la voiture devant le
café Majestic. Un silence aimable régnait sur la rue encore chaude. A travers les rideaux crochetés j'observai
Thierry assis à l'intérieur. Il avait dessiné sur la nappe une citrouille grandeur nature qu'il remplissait, pour tuer le temps, de pépins minuscules. Le coiffeur de Travnik n'avait pas dû le voir souvent. Avec ses ailerons sur les oreilles et ses petits yeux bleus, il avait l'air d'un jeune requin folâtre et harassé. Je restai longtemps le nez contre la vitre avant de rejoindre sa table. On trinqua.J'étais heureux de voir ce vieux projet prendre forme ; lui, d'être rejoint. Il avait eu du mal à s'arracher. Il avait fait sans entraînement des marches trop longues et la fatigue l'assombrissait. En traversant, les pieds blessés et la sueur au front, ces campagnes peuplées de paysans incompréhensibles, il remettait tout en question. Cette entreprise lui paraissait absurde.
Chez Payot
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