Le commissariat se trouvait à 200 mètres de la place, un bâtiment moderne, blanc comme tous les édifices de l’île, trônant au centre d’un grand parking avec une guitoune encadrée de deux drapeaux.
Il fut conduit dans un bureau au rez de chaussée près des services de l’immigration. Bizarrement il n’éprouva pas la même répulsion qu’il avait connue dans les locaux de Police de Cuba, les regards y étaient moins insistants, on n’y sentait pas la même méfiance, le même dédain que chez les fonctionnaires cubains.
Il y avait beaucoup d’animation, la nouvelle de l’attentat avait semé la panique chez les uniformes, des hommes entraient, sortaient, s’interpellaient. Il eut l’impression d’être au sein d’un essaim d’abeilles dérangé par un apiculteur.
Le bureau était sobre et froid, au fond derrière une table presque plus haute que lui un homme lui fit signe de prendre place. Il s’assit et observa son futur interlocuteur, c’était un gros homme adipeux, suant et au col sale, il portait une petite moustache ridicule. Malgré cela il se donnait un air d’importance. Il le fit attendre le temps nécessaire à assoir sa supériorité et à le rendre tributaire de son bon vouloir.
Après les événements qu’il venait de vivre François n’était pas à dix minutes près, aussi attendit il sans montrer d’impatience ce qui sembla avoir pour effet de chagriner Mustafa. L’homme se présenta ainsi comme étant Mustafa K…, insistant sur le grade de Premier Officier dont il semblait très fier. Il prononçait « premier officier » en tortillant de la main sa moustache, parodiant l’attitude d’un officier de l’armée des Indes. En même temps il tripotait un crayon de ses doigts boudinés en fixant François dans les yeux.
-Mr Macanik ?
- Mr Macanek !
-Oui Mr Macanek (il se racla la gorge), vous n’avez pas idée du guêpier dans lequel vous vous êtes fourré. A cause de vous un de nos meilleurs hommes est entre la vie et la mort, tout cela parce que vous êtes allé fureter dans des lieux où vous n’aviez pas à mettre les pieds.
-Ecoutez, je me suis expliqué avec Mr Dayan
-Vous n’avez rien expliqué du tout car nous possédons des éléments dont Mr Dayan n’avait pas connaissance
-Quels éléments ?
-Mr Macanek, arrêtez de jouer au chat et à la souris (il tritura un peu plus son crayon), nous savons que vous êtes un Privé, dit il sur de son effet en guettant la réaction de François, vous travaillez pour l’Agence Rigollet-Sainte Rose de Lyon. Vous êtes venu dans notre pays pour votre travail. Vous feriez bien de parler maintenant, sinon…
-Sinon, quoi, vous n’avez aucune charge contre moi, j’ai été victime d’un accident et aujourd’hui ma vie a été mise en danger, je pourrai demander l’intervention de mon ambassade.
Mustafa faillit s’étrangler de rage devant l’aplomb de ce français qui lui tenait tête. Il avait du compter sur l’effet psychologique de l’attentat, espéré une faiblesse de son vis-à-vis. Mais il n’en était rien et cela le rendait furieux, d’autant plus qu’il était conscient de ne pouvoir le mettre en cause et le retenir dans ses locaux.
François décida d’avancer un pion comme aux échecs.
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