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vendredi 29 avril 2011

Ma femme est un boudin…

Depuis tout petit Auguste se prenait des claques par son père, il en était arrivé à prévoir leur arrivée. Le problème c’est que son père était un rapide et que la baffe l’atteignait avant qu’il ait pu esquisser le moindre mouvement du cou ou des épaules. Faut dire que son père c’était une belle daube.
Auguste n’avait pas mis longtemps à piger le mental de son père, pas besoin d’avoir acquis de l’éducation ou une grande experience pour dénicher la bêtise au plus profond de la couenne d’un maître boucher. Le môme n’était pas idiot, ni masochiste d’ailleurs, il avait bien tenté, autant que son petit cerveau le lui avait permis, de comprendre les raisons ou tout du moins ce qui pouvait motiver et annonçer le départ de la claque de cette masse. Impossible de savoir pourquoi cette grosse brute prenaît sa tête pour un sac de sable.


Il avait joué tous les registres de la gamme : la docilité, la platitude, la supplication, la contrition, l’imploration, rien….Rien n’y avait fait…
Elle fusait toujours, inexorable, injuste et sempiternelle aux moments où il s’y attendait le moins…Si bien que le gamin avait terminé de chercher, il prenait cela comme un don du ciel, une punition transcendante dont il ne remettait plus en cause le mérite, une destinée irrémédiable en quelque sorte.
Alors, me direz vous, comment Auguste pouvait il prévoir leur arrivée s’il ne pouvait deviner leur départ.. ? Avec le temps et cette satanée expérience que l’être humain malheureusement souvent acquiert il avait fini par mettre au point une sorte de timing….Il guettait son père, lequel était un rougeaud mais n’était pas un buveur, il était sanguin en bon bouffeur de viande bien saignante, , et avait de grosses paluches bonnes à attendrir la carne la plus rebelle. Au début il l’avait reniflé comme le fait l’animal pour connaître à qui il a à faire, mais son odeur ne dénotait jamais les flagrances coutumières de graisse et de sang. . Pas le moindre arome d’alcool à la survenance inhabituelle, pas le moindre trouble dans le regard de vache qui jamais ne se posait sur lui.
Un rituel cependant l’avait mis sur la piste, les colères de l’homme et surtout leurs raisons…Le père rentrait à l’appartement situé à l’étage supérieur de l’abattoir criminel vers les onze heures tous les jours pour se remplir la panse avant de retourner officier à la vente du massacre quotidien. Et là lorsqu’il rentrait : deux possibilités, ou bien il sifflotait un air de musette signe que la barbaque était suffisante ou bien il ne faisait pas de bruit, et là ca craignait. . Ca craignait parce que le père se mettait à l’écoute, à l’écoute du moindre bruit qui montait du commerce. Et là Auguste avait intérêt à se faire transparent, muet et en alerte. Il se mettait alors au diapason de son père, singeant ses attitudes, ses blocages et ses atermoiements dès l’apparition du moindre bruit familier ou non. Auguste ne cherchait pas à savoir pourquoi son père écoutait, non, il était toute écoute, le pourquoi n’avait aucune importance car quoi qu’il en soit la baffe arriverait.
Son père suspendait la fourchette à l’approche des lèvres, il dressait l’oreille. Le père fronçait un sourcil à l’ouï d’un rire gloussant de son épouse déguisée en serveuse, il baissait le regard afin de s’effacer. Le rire redoublait et là la bête écumait et se mettait à grogner comme un bœuf. Ca grogne un bœuf.. ? Oui cela grogne..avant d’être abattu. Et là le père se levait et se jetait sur lui, pas le temps de se protéger, elle giclait. Elle giclait comme le sang qui affleurait à la joue quand celle-ci avait été atteinte et non le crâne.
En général c’était une baffe et pas deux, surtout quand le gamin avait crié et que la mère avait entendu et cessé de rire. L’ogre se rasseyait alors et éructait : »boudin.. ! »




P.S: toutes mes excuses contrites aux Maîtres Bouchers....


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