Rire est toujours un remède efficace contre les difficultés quotidiennes. C’est ainsi que sur cette île c’est plus par auto-médication qu’en signe de bonheur que nous avons souvent un sourire aux lèvres. Ensuite les touristes prennent des photos et vont dire que nous sommes un peuple joyeux qui ne manque pas d’humour face aux difficultés. Ah les touristes et leurs explications ! Ils font faire le tour du monde à cette photo d’un éclat de rire qu’a pourtant suivi sur notre visage un rictus d’angoisse, ou à cette image de satisfaction provoquée par l’obtention –après un an de démarches- des verres correcteurs pour le petit.
Se tordre de rire peut également se révéler une médecine préventive pour éviter les déceptions qui ne manqueront pas de survenir. C’est peut-être pour cette raison que chaque fois que j’interroge quelqu’un sur les possibles réformes attendues du sixième Congrès du PCC, on me répond avec un petit sourire, avec un ha! Ha! ironique.
En suivant mon interlocuteur hausse les épaules et sort une phrase du type « Bon, il ne faut pas se faire d’illusions… dans le meilleur des cas ils vont autoriser l’achat de voitures et de maisons ». Il conclut ses paroles avec une autre moue de satisfaction énigmatique qui me confond encore davantage. Il est difficile de savoir si la majorité de mes compatriotes préfère aujourd’hui que des transformations soient approuvées lors du conclave du parti ou que l’on ait un fiasco mettant en évidence l’incapacité du système à se réformer.
Bien que les attentes se soient plutôt ternies ces derniers mois, il en reste quelque chose et surtout parmi les plus matériellement démunis et parmi les plus idéologiquement opiniâtres. L’image d’un Raùl Castro pragmatique a cédé la place à celle du gouvernant en proie au doute et rattrapé par une conjoncture qui le dépasse. Le congrès que certains pensaient réformateur a trop tardé et a perdu avec cette attente beaucoup des espérances qu’il avait suscitées auparavant. Derrière le sourire énigmatique des chauffeurs de taxi, des vendeurs de pizzas, des étudiants et même des militants du parti, se cache maintenant l’insolence de ceux qui savent combien peu les choses changent et qui utilisent la moquerie silencieuse pour se vacciner d’avance contre cette frustration.
Traduit par Jean-Claude MAROUBY
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